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Erri de Luca, au nom des hommes, sauf...

Publié le par leïla shahshahani

Récemment, j'ai lu dans la presse que l'écrivain italien Erri de Luca était menacé d'une action pénale pour avoir dénoncé le projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin. La société Lyon Turin Ferroviaire a déposé plainte. Dans une interview au Huffington Post, il répondait au journaliste qui l'interrogeait que "le TGV doit être saboté" et que les sabotages et les actes de vandalisme "sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est un chantier inutile et nocif". (voir le site italien du journal et l'article "Le No TGV d'Erri de Luca" sur le site du Monde). Je ne connais pas encore l'écrivain à travers ses ouvrages, ce qui est sans doute un tort au vu des éloges que j'ai pu en lire. Erri de Luca a remporté le prix Fémina Etranger en 2002 pour son livre Montedidio. A coup sûr en tout cas, sa position assumée sur ce projet de TGV démesuré, ce Notre-Dame-des-Landes du sud-est, est courageuse. Une pétition de soutien a été publiée sur Médiapart, lancée par des écrivains, artistes et intellectuels.

Le parcours de cet homme de 63 ans, né à Naples, ancien ouvrier chez Fiat par conviction militante puis écrivain, poète et traducteur, témoigne d'un personnage plutôt sympathique, avec un fort engagement à (la vraie) gauche dans les luttes sociales, imprégné de valeurs humanistes. Cerise sur le gâteau pour nous autres Grenoblois amoureux des montagnes, Erri de Luca est aussi un alpiniste et grimpeur. Interviewé en 2003 par le magazine Vertical (n°32), il disait à propos de l'escalade "C'est le seul domaine dans lequel je me sens plus fort qu'avant. Avec l'âge je deviens plus faible, plus con, mais je continue à progresser en grimpant !". La revue du Club alpin français La Montagne et Alpinisme lui a également consacré un portrait en 2007.

Quelle ne fut donc pas ma (mauvaise) surprise lorsqu'en croisant les informations, je tombais sur un édito d'Erri de Luca du 16 mai 2006 paru dans Il Manifesto, ou du moins sur sa traduction commentée sur le site de Planète non violence, sous l'intitulé "Déni : quand un intellectuel de gauche italien minimise les crimes de guerre israéliens en Palestine". Quelle déception de voir Erri de Luca relativiser les crimes israéliens, établissant une hiérarchie entre les crimes au profit d'un état colonisateur pratiquant une politique d'apartheid. A se demander si l'écrivain est allé voir sur le terrain à quoi ressemble aujourd'hui la vie des Palestiniens, asphyxiés chaque jour un peu plus par Israël et régulièrement massacrés à Gaza avec le silence complice des pays occidentaux, toutes tendances politiques confondues. On ne pourra que recommander la lecture des deux réponses qui font suite à l'édito d'Erri de Luca sur le site Planète non violence : "Ce silence assourdissant sur la mort de la Palestine" de l'écrivain israélien Itzhak Laor et "Sionisme n'est pas judaïsme" de Myriam Abraham.

Il serait bon qu'Erri De Luca applique aux Palestiniens la phrase que la pétition en son soutien publiée par Médiapart dans l'affaire du TGV lui prête : "Quand il s'agit de la défense de sa propre vie et de ses enfants, n'importe quelle forme de lutte est admise". Quand on connait le caractère essentiellement non-violent de la résistance palestinienne aujourd'hui, malgré une colonisation qui perdure depuis 60 ans, s'intensifie et tue, on aurait pu attendre d'Erri de Luca qu'il mette sa plume à meilleur profit ce jour-là...

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B
J'ai fait la connaissance de l'écrivain en lisant « Sur la trace de Nives » entretiens avec l'himalayiste italienne Nives Meroi, que j'avais adoré. Puis j'ai lu « le poids du papillon » superbe recueil de deux nouvelles. Je n'avais pas creusé qui était Erri de Luca derrière tout ça, mais à lire sa prose, ça ne pouvait être que « quelqu'un de bien. » Évidemment, sa prise de position sur Israël terni effectivement pas mal l'image du bonhomme. Au passage, je ne suis pas très calé sur la politique israëlo-palestinienne, loin s'en faut, mais il y a peu j'ai lu un petit livre, « Un état commun entre le Jourdain et la mer » de Eric Hazan et Eyal Sivan que j'ai trouvé clair et convaincant. J'aimerais bien savoir ce qu'en pense celles et ceux plus au fait de ces questions ?
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